DECOTE DE L’EURO PAR RAPPORT AU DOLLAR : QUELLES CONSEQUENCES POUR LES COMORES ?

Le mardi 12 juillet 2022, l’euro atteint la parité avec le dollar. Soit une perte de 12 %. C’est son niveau de 2002, l’année de sa mise en circulation : 1 € = 1 $. Les raisons de cette chute sont les suivantes :

  1. L’invasion en Ukraine par la Russie déclenchée en février 2022 accentue la tendance baissière amorcée depuis janvier. L’Europe reçoit 40 % de son gaz naturel par le biais de gazoducs russes notamment le gazoduc Nord Stream 1 en direction de l’Allemagne. Les sanctions et réactions européennes contre la Russie et les contre – sanctions de cette dernière alimentent des craintes et surlendemains de récession. Ensuite, des tensions sur les prix des produits énergétiques et céréaliers nourrissent l’inflation. Du coup, l’euro se consume par les deux bouts : d’un coté, une dépréciation de 12 % par rapport au dollar américain et une inflation moyenne de 7,6 %(6,5 % en France). L’euro se délie ainsi des deux cotés ;

  2. Une politique monétaire américaine différente de celle de l’Europe. Pour freiner la consommation et l’inflation (+ de 8,5 %) aux Etats – Unis, la Réserve Fédérale américaine (la FED) relève ses taux directeurs à 3 % contre 0,5 % en Europe (- 0, 50 % depuis 2014 à 0, 5 % depuis le 21 juillet 2022). En conséquence, les investisseurs (assurances, fonds de pension, les cambistes…) vendent l’euro pour acheter du dollar. Les capitaux vont alors, là où notamment ‘’les obligations’’ (dettes de l’Etat) rapportent un intérêt de 3 %. Le régime de change de l’euro étant flottant, les acteurs du marché préfère le dollar, monnaie internationale, monnaie refuge (87 % des opérations de change, 50 % du commerce international et 60 % des réserves des banques centrales. Soit une détention importante de la dette des Etats – Unis contre 20 % pour l’Euro). Le mouvement vers les titres américains est accentué par le risque de récession (recul du PIB sur au moins deux trimestres successifs) en Europe(en France, il est écarté unanimement. C’est plutôt une hausse du PIB de 2,5 % qui est prévue en 2022).

CONSEQUENCES AGGRAVANTES POUR LES COMORES

Elles sont ci - après :

  1. Inflation importée en conséquence des produits achetés à l’extérieur en dollars(le riz, les produits pétroliers…). Laquelle inflation est amplifiée par des pressions intenables sur les prix des produits locaux du fait des Grand mariages et mariages dans les iles ;

  2. Dette publique libellée à 80 % en dollar ;

  3. Une dépréciation automatique du dépôt du Compte d’Opérations domicilié à la Banque de France ;

  4. La France et l’Allemagne constituent les premiers clients des Comores (38 % des exportations). En outre, la France et l’Union européenne sont les premiers donateurs de l’Union des Comores. A ceux – là, s’ajoutent les transferts de la Diaspora comorienne d’Europe.

CONSEQUENCES ATTENUANTES POUR LES COMORES

Elles sont les suivantes :

  1. Exportations : 60 % des exportations sont encaissées en dollar ;

  2. La Banque mondiale et le système des Nations – Unies sont les deuxièmes donateurs et premiers fournisseurs en dollars ;

  3. Un choc monétaire exogène plutôt porteur d’opportunités par rapport aux partenaires commerciaux des Comores: le dollar, certes, s’est fortement apprécié par rapport à l’euro mais, ce dernier n’a rien perdu de sa vigueur par rapport à la Livre Sterling ni au yen japonais ni aux autres monnaies des pays partenaires commerciaux des Comores. Les Comoriens qui importent des produits de Dubaï (29 % des importations totales) continueront à acheter moins chers; Car, le dirham des Emirats Arabes Unis a perdu 18,04 % de sa valeur en 10 ans, 14,47 % en 5 ans, 9,36 % en 3 ans, 14,23 % en 1 an, 11,23 % en 6 mois et 0,48 % en 1 semaine par rapport à l’euro. Ceux qui commercent avec la Chine (soit 11, 23 % des importations totales) conservent leur pouvoir d’achat. En effet, le Yuan ou Renminbi (CNY) fond de 11,65 % en 10 ans, 11,75 % en 5 ans, 12,74 % en 3 ans, 9, 14 % en 1 an, 4,89 % en 6 mois, 2,64 % en 3 mois, mais gagne 0,50 % en 1 semaine par rapport à l’euro (Source BOURSORAMA Banque). Le Pakistan, 3è partenaire commercial des Comores (par la vente du riz) continue à exiger le paiement en dollar et non en roupie pakistanaise(PKR) pour maintenir le niveau de ses réserves étrangères à flot et éviter la banqueroute.

QUE PEUVENT FAIRE LES COMORES ?

Dans un régime de taux de change fixe EUR/KMF, la Banque centrale des Comores(BCC) doit défendre cette fixité. Le bulletin trimestriel (N° 34) de la BCC qui couvre la période du 1er janvier au 31 mars 2022 indique :

  • une baisse du déficit commercial,

  • une réduction du taux des créances douteuses (de 23 % à 17 %) et,

  • une augmentation d’entrée de devises.

Toutefois, elle a noté une dépréciation du FC (2 %) par rapport au dollar américain. Soit 1 US $ = 443,17 KMF contre 419,6 KMF en mars 2021. Aujourd’hui 1 $ = 1 € = 491,96775 KMF. Cependant, l’ensemble des indicateurs monétaires demeurent bons. Les principaux taux directeurs n’ont pas bougé. L’Escompte BCC (€STR + 1,5) est à 0,921 en mars 2022. C’est un taux interbancaire de référence à court terme au jour le jour (€STR – Short - Term Rate – prononcé ‘’Euro Ester’’). Les taux rémunérateurs des réserves obligatoires (€SRT – 1,25) et des réserves libres (€STR – 1/8) sont respectivement de – 1,829 et - 0, 704 en mars 2022. Donc, faibles et négatifs. Les banques peuvent donc continuer à accorder plus de crédits. Les taux débiteurs restent échelonnés de 1,75 à 14 %. Au terme de ce qui précède, la BCC n’a pas beaucoup modifié sa politique monétaire conventionnelle. En revanche, elle va scruter les prix à la consommation, qui, en général, touchent le pic de l’inflation au 3ème trimestre. Ensuite, elle avisera. Mais, en Europe, la banque centrale européenne envisage d’augmenter ses taux directeurs en septembre de 50 points pour passer de 0,50 à 1 %. L’ensemble des banques centrales de la zone Euro enregistreront la réplique. Aux Comores, l’ampleur de l’augmentation des taux directeurs dépendront également du taux de croissance économique et celui de l’inflation constatés pendant le premier semestre 2022.

En dépit de ce choc extérieur, les Comores conservent ses capacités à assurer le paiement de ses importations : sa position extérieure est sereine.

Abal Anrabe ABDOU CHACOUROU